Le Coeur Cousu
Titre : Le Coeur Cousu
Auteur : Carole Martinez
Edition : Folio
Parution : 5 mars 2009
Pages : 448
« L’encre m’est venue quand il n’y a plus eu de larmes. »
Après avoir décidé de libérer sa sœur de son serment et de ne pas chercher de mari, Soledad ouvre enfin la boite que lui ont remis ses sœurs à sa puberté. Cette boite que les femmes de sa famille se transmettent au moment de leurs premières règles, passage obligatoire pour devenir une femme. Cette boite qu’elles doivent ensuite attendre neuf mois, le temps d’une gestation, avant de pouvoir l’ouvrir. Cette boite qui renferme un talent différent pour chacune d’elle, talent qui peut s’avérer être un poids. Cette boite dans laquelle Soledad trouve un cahier et un stylo. Après avoir séché ses larmes, dues à la renonciation, à l’acceptation de sa solitude, signification de son prénom, Soledad se met à écrire. Elle écrit son histoire, l’histoire de sa venue au monde et surtout l’histoire de cette mère qu’elle a à peine connue et de cette famille si présente autour d’elle.
Je suis assez mitigée sur ce livre. J’ai du mal à avoir un avis clair et défini. Carole Martinez m’a un peu perdue entre la jeune fille qui raconte et sa mère véritable héroine de l’histoire. Elle m’a perdue entre la réalité et la magie. C’était certainement son but, nous perdre, mais du coup, j’ai du mal à savoir si dans son ensemble j’ai apprécié ou non le livre.
J’ai beaucoup aimé le début. On suit Frasquita, la mère de Soledad, alors qu’elle n’est qu’une enfant qui devient femme. Ce passage, de la fille à la femme, est mis en valeur d’une façon qui m’a beaucoup plu, rappelant l’incompréhension de l’évènement et l’opposition à ce passage que vivent beaucoup de jeunes filles.
La suite est beaucoup plus décevante. Certes, elle se lit facilement et rapidement, reste intéressante. Mais j’ai beaucoup de mal avec les personnages qui subissent la vie sans essayer de se battre. C’est le cas de Frasquita. Elle a pourtant tout pour réussir, pour mener une belle vie. La boite s’est ouverte lui offrant une aiguille et du fil, lui montrant la voix vers la couture. Mais après son incroyable cœur de vierge et sa robe de mariée, Frasquita range son aiguille. Plus exactement, elle la range lorsqu’elle tombe enceinte. L’auteur présente cela comme un choix, un choix de consacrer son temps à cette vie qui se développe en elle. J’ai trouvé ça très beau au début et puis ça s’essouffle pour ne devenir qu’une soumission à la vie, à sa condition de mère et aux caprices de son mari, ce qui m’a révoltée.
Lorsque la mère s’efface enfin, pour laisser la place à ses enfants, à ses filles en particulier, l’histoire retrouve son intérêt, car toutes les filles se battent pour vivre, pour survivre face aux épreuves qu’elles doivent surmonter. Les filles se battent, ensemble, comme une seule unité, pour faire face à leur mère et aux blessures qu’elle a créé en elles. Il y a un élément qui m’a particulièrement touchée, c’est la complémentarité de ces enfants qui vivent ensemble. Cela est particulièrement bien montré avec les descriptions des relations amoureuses des filles. Ces relations sont très intéressantes. Elles différent toutes, nous montrant différentes façon d’aimer, toutes valables, correspondant toutes au caractère de l’une des filles. On découvre donc l’amour raison d’Anita, ainsi que l’amour passion de Clara en passant par l’amour interdit d’Angela. J’ai adoré ces différences, ces découvertes. On se reconnaît dans certains amours, en admire d’autres.
En définitive, Le cœur cousu est plein de bon éléments. Les réflexions qu’il porte sont également très intéressantes, notamment celle sur le poids de la famille, de la tradition, du déterminisme. Il est seulement dommage que Frasquita ne montre pas un peu plus de volonté de vivre, de se battre.
Makina